Depuis mars dernier, une épidémie de la fièvre hémorragique Ebola se répand du sud-est de la Guinée en Sierra Leone, au Libéria et au Nigéria. Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest ont déjà activé des plans d’urgence et des actions visant à limiter les infections. Malheureusement l’ampleur de la crise dépasse de loin les capacités des autorités locales et leurs efforts ne seront pas suffisants pour ralentir la croissance de cette épidémie.
L’OMS et l’ONU chiffraient les besoins financiers à hauteur de 1 milliard de dollars, 1 000 experts, 1 000 lits supplémentaires. Seuls 345 millions de dollars ont à ce jour été mobilisés, pour soutenir les acteurs impliqués sur le terrain. Les besoins (logistiques, ressources humaines qualifiées, matériels et financiers) risquent de s’accroitre face à une épidémie qui se propage à un rythme exponentiel, avec 20 000 cas estimés d’ici un mois.
Les actions d’urgence d’Oxfam sur le terrain
A la date du 8 octobre, plus de 6 500 personnes avaient été infectées par l’Ebola et plus de 3 000 en étaient déjà mortes. Oxfam a déjà porté assistance à plus d’un demi-million de personnes mais pour faire face à cette épidémie galopante, nous allons tripler nos programmes de prévention pour venir en aide à 2,5 millions de personnes.Nous intervenons dans six districts en Sierra Leone et augmentons nos programmes de prévention au Liberia, au Sénégal, en Gambie et en Guinée Bissau ;
Nous procurons de l’eau, des équipements d’hygiène et des services d’assainissement aux centres de traitement de l’Ébola et aux centres de santé communautaires. Nous fournissons également des combinaisons de protection individuelle au personnel de santé exposé ;
Nous distribuons du matériel pour permettre l’organisation de funérailles dans la dignité et en toute sécurité. En effet, la très grande majorité des contaminations a lieu lors des funérailles. Ce matériel consiste en des désinfectants, des combinaisons de protection, des produits de traitement de l’eau...
Nous fournissons du matériel médical et d’approvisionnement en eau dans des centres de santé qui ne traitent pas les malades de l’Ebola, soit dans 5 centres à Freetown (Libéria) et 11 à Koinadugu (Sierra Leone) ;
Au Liberia, nous avons aidé le ministère de la Santé du Libéria à former 80 agents de santé bénévoles pour sensibiliser les familles qui n’ont pas encore été touchées par Ebola ;
Dans les comtésLibierian de Rivière Ghee et Grand Geddeh, nous avons fourni des trousses d'hygiène de la famille à 1200 agriculteurs ;
Enfin, nous utilisons des messages radio pour transmettre aux populations les messages de prévention contre l’Ébola et informer sur les mesures à prendre au cas où la maladie ferait son apparition dans une communauté.
Une crise révélatrice de profondes injustices
A Oxfam, nous ne sommes pas médecins. Mais nous connaissons bien les systèmes de santé, leurs failles, les problèmes de financement qu’ils peuvent rencontrer et l’impact qu’ils ont sur la santé publique, notamment sur les populations les plus pauvres.
Cette épidémie met en lumière un des fondements de notre action : les inégalités d’accès aux soins, en particulier dans les pays pauvres, et leurs conséquences à long terme, par exemple sur la sécurité alimentaire.
Dans un pays riche, au système de santé solide, la chaîne de transmission du virus aurait été brisée rapidement et le taux de mortalité bien moindre. En Sierra Leone et au Libéria, les centres de santé, déjà minés par la pauvreté, sont complètement dépassés. Depuis l’arrivée de patients contaminés par Ebola, ils ne peuvent plus accueillir d’autres malades, comme ceux qui souffrent de malaria, ou les femmes enceintes nécessitant des soins.
L’épidémie y a également eu un impact sur l’agriculture : les restrictions de mouvements et la peur de la contagion empêchent les populations de travailler dans leurs champs. De plus, les commerçants ne circulent plus que très peu dans les zones rurales. Ce qui signifie que même si les champs sont cultivés, les produits agricoles ne peuvent pas être commercialisés. A cela s’ajoute une hausse des prix des denrées alimentaires. Les terres agricoles n’ont pas été labourées à temps pour la récolte de l’année prochaine : les agriculteurs ne seront pas en mesure de nourrir leur famille au cours des prochains mois.
La réponse sur le long terme et la responsabilité des pays développés, dont la France
L’impact de l’épidémie Ebola ira au-delà du nombre de morts liées au virus. L’effondrement des systèmes de santé aura des conséquences sur la prise en charge des autres maladies et sur l’état de santé de l’ensemble de la population, sans parler des répercussions des mesures de quarantaine et d’interruption de vols sur la sécurité alimentaire et l’ensemble de l’économie.
Une nouvelle étude de la Banque mondiale estime que les dégâts économiques pourraient s’élever à 32,6 milliards de dollars d’ici la fin de l’année 2015 si l’épidémie devait s’étendre aux pays voisins, notamment les plus grandes économies de la région.
Au-delà de la réponse immédiate à la crise, un soutien de long terme devra être apporté, notamment pour renforcer les systèmes de santé de ces Etats fragiles, en reconstruction après des années de guerre et de dictature.
Cela nous rappelle la nécessité d’investir dans les systèmes de santé et le rôle de l’aide au développement dans les pays les plus pauvres. Pourtant, selon nos informations, la part de l’aide française affectée aux enjeux sanitaires devrait être particulièrement touchée par les récentes coupes dans l’aide publique au développement française.
Nous restons donc également très attentifs à la réponse apportée par la France face à cette crise sans précédent.